72                           HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
tapisserie restera toujours une industrie des pays septentrio-, naux.
Cette vérité s'affirme dès le xvc siècle, malgré tous les efforts des princes italiens pour dérober à Arras cette importante source de richesses. Jusqu'à la chute définitive de la maison de Bourgogne, la capitale de l'Artois reste sans rivale pour la fabrication des ten­tures. Les documents contemporains abondent à cet égard en témoignages significatifs ; il convient de les passer rapidement en revue.
Bien que les intrigues incessantes et les drames sanglants qui t traversèrent'la courte carrière du duc Jean sans Peur (1404-1419) ne lui aient guère laissé le loisir de donner son attention à l'em­bellissement de ses résidences, ce prince parait cependant avoir hérité le goût de son père pour les tentures richement historiées. Il eût été bien ingrat envers les habiles artisans d'Arras, s'il n'eût pas conservé un souvenir reconnaissant du service qu'il avait indi­rectement reçu d'eux dans une circonstance mémorable. Fait pri­sonnier par les Turcs avec la fleur de la noblesse française, à la bataille de Nicopolis (1396), le fils de Philippe le Hardi dut en partie sa liberté aux chefs-d'œuvre de l'industrie artésienne, fort ap­préciée, paraît-il, jusqu'en Orient. Un vieux chroniqueur rapporte, en effet, que Jacques de Helly, envoyé pour traiter de la rançon des captifs, ayant été interrogé sur les présents les plus agréables au vainqueur et les plus propres à adoucir le sort du comte de Nevers - et de ses compagnons, aurait répondu « que l'Amorath prendrait grant plaisance à voir draps de haute lice ouvrés à Arras, en Picar­die, mais-qu'ils fussent de bonnes histoires anchiennes..., avecques tout, il pensoit que fines blanches toiles de Beims seroient de l'Amorath recueillies à grand gré, et fines escarlates, car de draps d'or et de soie, en Turquie, le roi et les seigneurs en avoient assez largement et prenoient en nouvelles choses leur esbattement et plaisance. -
De ce passage de Froissart résulte la preuve certaine que la répu­tation" des tapisseries d'Arras avait pénétré jusqu'en Orient dès le xivc siècle. Le duc dé Bourgogne, conformément aux conseils de Jacques de Helly, chargea deux chevaux de tapisseries choisies parmi les plus riches de son mobilier, et les envoya en présent au sultan Bajazet. L'Histoire d'Alexandre était du nombre.
Jean sans Peur, après avoir succédé, à son père, ne pouvait